Les dispositifs français de soutien à l’innovation et à la R&D sont régulièrement pointés du doigt pour leur complexité, leur aspect inégalitaire, ou encore leur manque d’efficacité. Pour ce dernier point cependant, le rôle qu’ils jouent sur la compétitivité du pays sur la scène mondiale est incontestable. Depuis la création du Crédit Impôt Recherche il y a près de 35 ans, ce sont des centaines de milliers d’entreprises qui ont pu en bénéficier. Le CIR est en effet la mesure phare du gouvernement, nettement plus que le sont le Crédit Impôt Innovation et le statut Jeune Entreprise Innovante. En nous appuyant sur le rapport du 18 juillet publié par le Conseil de l’Innovation, voici nos propositions pour améliorer les dispositifs d’aide à l’innovation.
Repenser l’articulation des trois dispositifs entre eux
Pour les entreprises qui font à la fois de l’innovation (CII) et de la R&D (CIR, voire JEI) – c’est tout à fait possible, par exemple pour les entreprises de conception de prototypes – l’articulation des trois dispositifs entre eux n’est pas optimale. En effet, les conditions d’éligibilité du CIR, du CII et du statut JEI ont un effet parasite entre elles, par exemple :
Pour qu’une entreprise obtienne le statut JEI, cinq critères sont à respecter, dont celui de réaliser au moins 15% des dépenses par exercice fiscal en R&D, à l’exclusion de celles relatives à l’innovation (CII). Or, pour les entreprises faisant à la fois de la R&D et de l’innovation, bien que ce seuil puisse être globalement dépassé en tenant compte de la somme des dépenses relevant du CIR et du CII, le seuil demeure plus complexe à atteindre. En effet, les dépenses d’innovation ne sont pas prises en compte dans les fameux « 15% » ouvrant droit au statut JEI.
Cet effet parasite complexifie l’articulation des trois dispositifs pour les entreprises bénéficiaires, et nuit à l’objectif des dispositifs, qui est de réduire les dépenses des entreprises innovantes. Améliorer la lisibilité des dispositifs aurait un coût estimé à 25 millions d’euros par an, selon les rapporteurs du Conseil de l’Innovation.
Aligner le taux du CII sur celui du CIR
Pour rappel, le CIR permet aux entreprises éligibles de bénéficier d’une restitution de 30% de leurs dépenses éligibles engagées en R&D, sans plafonnement. Le CII permet quant à lui une réduction fiscale de 20% des dépenses engagées, dans la limite de 400 000€ de dépenses, soit un abattement de 80 000€ maximum.
Cela rend le CII bien moins intéressant pour les entreprises, d’autant qu’il reste relativement confidentiel en France. En effet, on estime que seulement 3 000 entreprises bénéficient d’un CII en France, pour plusieurs dizaines de milliers qui perçoivent un CIR.
Or, on constate une extrême similitude dans la démarche pour obtenir l’un ou l’autre des dispositifs, et de nombreuses entreprises pourtant éligibles au CII se découragent d’en faire la demande lorsque l’on sait à quel point ces démarches sont lourdes : le jeu en vaut-il la chandelle pour une exonération de seulement 80 000€ ? On constate également des situations dans lesquelles les dépenses engagées sont éligibles aux deux dispositifs.
Si l’on alignait le taux du CII à 30%, cela permettrait d’atteindre une exonération de 120 000€ par entreprise. Cette mesure aurait un coût d’environ 85 millions par an, toujours d’après une estimation des rapporteurs du Conseil de l’Innovation.
Allonger la durée du statut JEI
Lancé en 2004, le dispositif du statut JEI permet un allègement fiscal pour les petites et moyennes entreprises de moins de huit ans. Or, dans certains secteurs d’activité, le cycle de maturation des entreprises est plus long, et le temps pour atteindre son rythme de croisière dépasse le cadre des huit années du statut JEI. C’est le cas notamment des secteurs en émergence tels que la pharmaceutique et la biotechs.
Par extension, une entreprise peut entreprendre des efforts en R&D à différentes étapes de son développement, pourquoi pas plusieurs années après sa création. Rallonger la durée du statut du JEI, à 10 ans par exemple, permettrait d’étendre l’impact du dispositif.
Repenser le contrôle fiscal du CIR et la demande d’informations
L’année passée, nous estimons que 80% de nos clients ont reçu une demande d’information de la part de l’administration fiscale. Pour les petites entreprises, ces demandes d’examen représentent une surcharge administrative très significative, ce qui occupe les collaborateurs pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Pour ces mêmes entreprises, les délais en cas de débats avec l’administration sont très lourds, car ils représentent autant de mois à attendre avant de percevoir le remboursement de leur CIR. Ce point pèse lourdement sur les trésoreries les plus fragiles.
Nous imaginons dès lors un contrôle fiscal plus allégé et plus juste, car il « frappe » aujourd’hui les entreprises et leur CIR de façon aléatoire. Par exemple, nous proposons que le dossier complet (rapport administratif et scientifique) soit déposé en même temps que la déclaration (Cerfas) et que, si contrôle il y a, celui-ci intervienne au plus tard dans les douze mois maximum.
En effet, subir un contrôle fiscal plusieurs années après avoir déclaré son CIR est pénalisant. Premièrement, il peut y avoir eu un changement du niveau des exigences de l’administration fiscale, ou un changement de la jurisprudence, entre le moment où l’entreprise a déclaré son CIR et le moment où elle est contrôlée. Deuxièmement, si les chercheurs en charge de la réalisation du projet à l’époque ne travaillent plus dans l’entreprise, les éventuels échanges avec l’expert mandaté seront plus compliqués. Enfin, l’éligibilité sur le plan technique d’un projet repose sur l’appréciation d’un état de l’art et de verrous technologiques, qui peut être difficile plusieurs années plus tard dans la mesure où leurs thématiques évoluent rapidement.
En savoir plus ?
N’hésitez pas à nous contacter et rejoindre notre communauté sur Linkedin pour découvrir nos actualités et bons conseils. Nos experts sont là pour vous accompagner et répondre à vos questions !