Dans les coulisses de l’expertise scientifique du CIR
En ce qui concerne le contrôle des déclarations de CIR, le Bulletin Officiel des Finances Publiques précise que le Ministère de la Recherche (MESRI) peut être sollicité lorsqu’une appréciation du caractère scientifique des opérations réalisées doit être rendue (BOI-BIC-RICI-10-10-60-20 §160). On parle alors d’une expertise scientifique du CIR, qui sera effectuée par un agent interne (travaillant pour le MESRI) ou bien par un agent mandaté. Nous avons pu échanger avec des experts régulièrement mandatés par le MESRI, et obtenir quelques précieuses informations sur les coulisses de l’expertise scientifique du CIR.
La constitution et la gestion du réseau d’experts externes
Pour recruter son réseau d’experts externes, le MESRI contacte directement les candidats potentiels. Il sélectionne en amont les bons profils qui répondent aux critères d’exigences définis. L’expert approché doit pouvoir justifier d’un niveau technique et académique approfondi dans son domaine ainsi que maîtriser l’état des connaissances mondial et actuel.
Les experts recrutés sont généralement issus d’organismes de recherche publics, et exercent/ont exercé dans des établissements de type CEA, INSERM, INRIA, ou CRNS, dans des CHU, des établissements d’enseignement supérieur, des universités, ou plus rarement, des établissements de recherche privés, lorsque ceux-ci sont adossés à des organismes publics.
Du fait de difficultés de recrutement (pénurie d’experts, budget), le MESRI connaît aujourd’hui un manque d’experts, et plus particulièrement dans certains domaines où il est difficile de trouver des profils de spécialistes.
Pour rappel, le MESRI publie chaque année une trame scientifique afin de guider les déclarants dans la justification de leur rapport CIR. Dans la version 2018, le MESRI a annexé une nomenclature détaillée des différents domaines de recherche. Celle-ci comprend 37 sous-domaines répartis en quatre grands domaines. Le MESRI dispose donc d’un réseau d’experts compétents pour chacune de ces catégories.
Ainsi, en sélectionnant le bon champ de domaines et de sous-domaines, le déclarant pourra être rassuré sur l’affectation d’un expert spécialiste de son domaine de recherche.
Pour gérer et animer son réseau d’experts externes, le MESRI organise différents événements et a mis en place un système d’entraide. Nos contacts nous confirment que l’animation du réseau est bien faite, avec un esprit constructif et relativement bienveillant.
Les experts indépendants bénéficient de formations et mises à niveau régulières. Celles-ci ont lieu lors de conférences, à Paris ou en région. Des envois réguliers de documentation sont également proposés, notamment sur la réglementation fiscale et sa mise à jour.
Par ailleurs, le MESRI dispose d’une équipe d’experts « internes » qui agissent en tant que référents, notamment sur des fonctions de conseil, médiation, suivi, etc. Ces experts référents ont pour mission de surveiller le bon déroulement des expertises scientifiques du CIR et éventuellement de soutenir et conseiller les experts mandatés.
La motivation des experts
Selon la complexité des dossiers, l’expérience de l’expert et le domaine de recherche, la rémunération moyenne tourne autour de 300 à 800 € par expertise réalisée.
Nos interlocuteurs insistent sur le fait que les experts ne sont pas motivés par l’argent. Il s’agit plutôt de fonctionnaires qui ont le sens de l’utilisation des ressources publiques et ont à cœur de défendre les intérêts de l’institution.
Globalement, il y a une vraie différence d’état d’esprit entre l’administration fiscale, qui est là pour surveiller, contrôler et éventuellement punir, et les experts du MESRI, qui sont dans une démarche de bienveillance. Leur rôle vise à la préservation et la pérennisation d’un dispositif qui a beaucoup d’impact et qui participe à la croissance de milliers d’entreprises chaque année.
L’affectation des experts à l’étude des dossiers
L’administration et le MESRI ne publient pas de chiffres officiels sur le nombre d’expertises CIR réalisées. Selon les informations obtenues, le MESRI aurait réalisé l’an dernier près de 800 contrôles dont une quarantaine pour de grands comptes. Les experts traitent également les Agréments Recherche, pour environ 2 000 expertises, les rescrits CIR, estimés à 200, et les rescrits JEI, estimés à 700.
Avec près de 25 000 entreprises déclarantes, le MESRI n’est pas en mesure d’expertiser l’ensemble des dossiers. De ce constat, il y a donc un quota d’expertise fixé par le MESRI à l’administration fiscale.
En fonction de ce quota, l’administration fiscale communique au MESRI les dossiers à expertiser. Pour l’affectation de l’expert, le MESRI envoie ensuite le « brief » contenant la nature et le volume du projet à une sélection d’experts du domaine. Ceux-ci doivent se positionner honnêtement sur leur capacité à réaliser l’expertise. La principale consigne donnée est de savoir s’ils s’estiment suffisamment à l’aise sur le sujet pour prendre le dossier. Il y a donc une vraie démarche pour affecter judicieusement l’expert afin qu’il y ait un échange et une compréhension commune des enjeux techniques lors de l’expertise scientifique du CIR.
Les délais et outils pour réaliser l’expertise scientifique du CIR
En moyenne, une expertise représente 3 à 4 jours de travail, mais cela dépend surtout de la manière dont a été conçu le dossier. Pour la réaliser, l’expert dispose d’un délai fixé à l’avance, généralement de deux mois.
Le temps passé peut varier du simple au triple en fonction de la structuration du dossier, du respect de la trame scientifique, de la présence de pièces jointes, la clarté du discours, etc. L’expert est donc très sensible au soin apporté à la construction du dossier et l’application dans la mise en page. Pour faciliter son travail, il faut que cela soit lisible et pratique à parcourir. Convaincre l’expert mandaté tient donc essentiellement sur le fond, mais la forme peut aider à donner un a priori positif.
En effet, au-delà de l’aspect formel, l’expert est bien entendu très sensible à la description donnée des opérations réalisées : si elle est claire et transparente ou au contraire, si elle tente de dissimuler certaines choses derrière les méandres du discours …
En règle générale, les documents constitutifs du dossier sont transmis par e-mail, ce que préfèrent la majorité des experts. Lorsque les dossiers sont trop volumineux, ils sont transmis par clé USB. Une fois réceptionné, à eux d’indiquer très rapidement si le dossier est complet.
Il n’y a pas d’outil à proprement parler mis à la disposition des experts pour travailler. Les expertises se font sur ordinateur avec un traitement de texte. Le MESRI fourni en revanche une trame précise à suivre pour réaliser le rapport d’expertise.
Les pistes d’amélioration envisagées
D’après nos contacts, la formation des experts en amont de la réalisation de l’expertise scientifique du CIR est primordiale. Il faut veiller à maintenir un niveau d’attentes défini et partagé afin d’égaliser les attendus entre tous les experts.
De plus, nos contacts soulignent le besoin d’un outil digital commun entre déclarants et experts. Il constate qu’une plateforme pour simplifier les échanges et rassembler synthétiquement toutes les informations se fait vivement ressentir. Au-delà de digitaliser les échanges, un tel outil réduirait radicalement les ressources nécessaires pour réaliser une expertise scientifique du CIR.
Pour aller plus loin
Vous avez été notifié d’une expertise scientifique du CIR à venir suite à votre déclaration ? N’hésitez pas à contacter nos experts pour obtenir leur accompagnement et la révision de votre partie technique. Rejoignez également notre communauté Linkedin et visualisez en direct toute nos actualités et bons conseils !